Review by Marc SARRAZY — IMPROJAZZ # 259
Muriel GROSSMANN — GOLDEN RULE
RR Gems RRGEMS05 (Double LP)
Muriel Grossmann (ss, ts), Radomir Milojkovic (elg), Gina Schwarz (b), Uros Stamenkovic (dm)
Austrian saxophonist Muriel Grossmann, based in Ibiza, signs her tenth album here, but the first in vinyl. This is a double-album with a sumptuous cover, which presents the saxophonist in close-up, presented with his soprano. By the angle of view of this photo of Sascha Osaka, by the position of the soprano and the posture of Muriel Grossmann emerging from a darker background to go towards the light, by the lettering positioned at the top left from the composition, to finally the effect of duplication of the image which creates a feeling of movement, the cover immediately evokes that of John Coltrane’s Live at Birdland. The shades of the photo, on the other hand, differ radically from that of Coltrane: the image of this Golden Rule bathes majestically in the brown, the yellow brown, the sepia, the ocher, the gold. Superb. (We will also find these colors in titles like “Golden Rule” and “Light”). The texture of the carton of this opening pouch, heavy and thick, in turn reminds the classy appearance of the mythic productions Impulse!
These evocations obviously have nothing trivial coincidence since Muriel Grossmann, who has stabilized around his Austro-Serbian quartet since 2014 (two Austrian musicians, two Serbian musicians), digs the envy the furrow of spiritual jazz which characterizes the quartet of John Coltrane between 1963 and 1965. The tribute is not disguised but well assumed, hammered, with the compositions entitled “Trane” and “Traneing in” (the latter also takes some gimmicks of “India And “A Love Supreme”). It must be said that Muriel Grossmann has left the alto saxophone to concentrate on the tenor and the soprano, there is no coincidence, and that the sound that she produces, especially with the soprano, conceals the same incandescent fever than that from Coltrane! This sound mimicry is sometimes unsettling, the emotional intensity is even increased tenfold.
However, there is no pianist here, it is the pointillist and vibratile game of the electric guitarist who fills the sound holes like a spider’s web. The rhythmic, the old, is not afraid to develop a walking bass that pulses and balances a quarter of an hour without derailing, propelled by the tireless polyrhythm drummer. In these hymnic musical contexts, where time and space seem to stretch, where the blood circulates with each beat, the saxophone has only to release its verve and spin, airy and burning, spin endlessly .. until this “Light” that closes the disc, light that envelops the music of the quartet from the first to the ultimate second. Spiritual Jazz. Primal music, which reaches the body in the deepest, which numbs the soul of intoxicating flow, living music, which nourishes us.
Listening to the latest records by Muriel Grossmann, until the publication of this indisputable masterpiece, it is not an exaggeration to say that the saxophonist is a direct heir to the JC master, certainly the most sincere and the most sensitive of this young century. We are looking forward to the next album! In the meantime, rush on this one, only shot 400 copies (if you miss it, you can always console yourself with the cd edition, waiting for a reissue to come in 2020, watch it well!).
The official website of Muriel Grossmann: http://www.murielgrossmann.com/
Marc SARRAZY
French:
La saxophoniste autrichienne Muriel Grossmann, basée à Ibiza, signe ici son dixième album, mais le premier en vinyl. Il s’agit d’un double-album à la pochette somptueuse, qui présente la saxophoniste en plan rapproché, aux prises avec son soprano. Par l’angle de prise de vue de cette photo de Sascha Osaka, par la position même du soprano et la posture de Muriel Grossmann émergeant d’un arrière-plan plus sombre pour aller vers la lumière, par le lettrage positionné en haut à gauche de la composition, par enfin l’effet de duplication de l’image qui crée une sensation de mouvement, la couverture évoque immédiatement celle du Live at Birdland de John Coltrane. Les teintes de la photo, par contre, diffèrent radicalement de celle de Coltrane : l’image de ce Golden Rulebaigne majestueusement dans le bistre, le bistre jaune, le sépia, l’ocre, l’or. Superbe. (Nous retrouverons aussi ces couleurs dans des titres comme « Golden Rule » et « Light »). La texture du cartonnage de cette pochette ouvrante, lourde et épaisse, rappelle à son tour l’aspect classieux des mythiques productions Impulse!.
Ces évocations n’ont évidemment rien d’une banale coincidence puisque Muriel Grossmann, qui s’est stabilisée autour de son quartet austro-serbe depuis 2014 (deux musiciennes autrichiennes, deux musiciens serbes), creuse à l’envi le sillon du jazz spirituel qui caractérise le quartet de John Coltrane entre 1963 et 1965. L’hommage n’est pas déguisé mais bien assumé, martelé, avec les compositions intitulées « Trane »et « Traneing in » (cette dernière reprend d’ailleurs certains gimmicks de « India » et de « A Love Supreme »). Il faut dire que Muriel Grossmann a délaissé l’alto pour se concentrer sur le ténor et le soprano, il n’y a pas de hasard, et que le son qu’elle produit, notamment au soprano, recèle la même fièvre incandescante que celle de Coltrane ! Ce mimétisme sonore s’avère parfois troublant, l’intensité émotionnelle en est même décuplée.
Pourtant, il n’y a pas de pianiste ici, c’est le jeu pointilliste et vibratile du guitariste électrique qui emplit les failles sonores comme une toile d’araignée. La rythmique, à l’ancienne, n’a pas peur de développer une walking-bass qui pulse et balance un quart d’heure durant sans dérailler, propulsée par l’infatigable polyrythmie du batteur. Dans ces contextes musicaux hymniques, où le temps et l’espace semblent s’étirer, où le sang circule à chaque battement, le saxophone n’a plus qu’à libérer sa verve et tournoyer, aérien et brûlant, tournoyer sans fin… jusqu’à cette « Light »qui clôt le disque, lumière qui enveloppe la musique du quartet de la première à l’ultime seconde. Jazz spirituel. Musique primale, qui atteint le corps au plus profond, qui engourdit l’âme de flux enivrants, musique vivante, qui nous nourrit.
A l’écoute des derniers disques de Muriel Grossmann, jusqu’à la parution de cet incontestable chef-d’œuvre, il n’est pas exagéré d’affirmer que la saxophoniste est une héritière directe du maître JC, assurément la plus sincère et la plus sensible de ce jeune siècle. Vivement le prochain album ! En attendant, précipitez-vous sur celui-ci, seulement tiré à 400 exemplaires (si vous le ratez, vous pourrez toujours vous consoler avec l’édition cd, en attendant une réédition à venir en 2020, guettez-là bien !).
Marc SARRAZY